Un entretien avec Alain Krier, Head of Insights and Strategy – LFT, sur les évolutions complexes du secteur touristique luxembourgeois.
Monsieur Krier, comment évaluez-vous les chiffres du tourisme des sept premiers mois de 2025 ?
Alain Krier : Nous observons une évolution très contrastée. Les chiffres du STATEC montrent que nous nous sommes stabilisés à un niveau élevé pour les arrivées et les nuitées, mais avec des différences intéressantes selon les modes d’hébergement. C’est une évolution saine après les années exceptionnelles de 2023 et 2024.
Commençons par l’hôtellerie – comment les nuitées ont-elles évolué ?
Krier : Nous avons enregistré au premier semestre 1,16 million de nuitées, soit une solide progression de 3 % par rapport à janvier-juillet 2024. Ce qui est particulièrement réjouissant, c’est que la ville a connu une excellente saison et que le tourisme d’affaires et de congrès s’est redressé et stabilisé après des années difficiles.
Pouvez-vous étayer cela avec des indicateurs de performance concrets ?
Krier : Tout à fait ! Le taux d’occupation a atteint d’excellents 74 % – soit une hausse de 2 % par rapport à 2023. En parallèle, le RevPAR (N.d.l.R. : chiffre d’affaires par chambre disponible) a progressé de 3 % pour atteindre 112,2 euros.
Quelles sont les prévisions pour les mois à venir ?
Krier : Pour août, nos estimations étaient plus prudentes – nous tablions sur environ 4 % de baisse par rapport à août 2024 selon les enquêtes menées auprès des exploitants. Dans l’ensemble, l’été a probablement été plutôt en demi-teinte après l’excellente pré-saison, avec de légers reculs dans toutes les catégories d’hébergement. Mais il faut replacer cela dans son contexte : 2023 et 2024 ont été des saisons exceptionnellement bonnes avec un rebond post-Covid plus rapide au Luxembourg que dans beaucoup d’autres destinations européennes.
Et l’automne ?
Krier : Les perspectives pour septembre et octobre dans l’hôtellerie sont actuellement légèrement inférieures aux résultats de l’année précédente – environ 3 % de moins dans chaque cas, principalement du fait d’un recul attendu dans le segment affaires. Mais les recherches d’hôtels pour les prochains mois affichent encore 7 % de plus que l’année précédente. Cela témoigne d’un potentiel de croissance pour de nouvelles réservations qui pourraient encore se concrétiser dans les prochaines semaines. Point particulièrement encourageant : 67 % des exploitants demeurent optimistes pour le reste de la saison jusqu’en décembre.
En définitive – quel est votre bilan pour l’hôtellerie ?
Krier : Avec une excellente pré-saison et un été satisfaisant, nous tablons sur une légère croissance pour l’ensemble de l’année 2025. Après les gros progrès de ces dernières années, l’hôtellerie se stabilise à un niveau élevé – c’est une évolution très positive.
Comment évolue le secteur du camping ?
Krier : Nous y avons enregistré 798 325 nuitées, soit un léger recul de 2 % par rapport à janvier-juillet 2024. Mais ce chiffre reste impressionnant : il se situe 26 % au-dessus du niveau de janvier-juillet 2019 ! Les estimations pour août sont un peu plus prudentes avec environ 5 % de moins par rapport à 2024, septembre quasi stable et octobre positive avec 7 % de hausse. L’automne gagne en importance, avec une forte demande dans le segment randonnée et chez les camping-caristes.
Qu’en est-il des auberges de jeunesse ?
Krier : Nous y avons observé un recul de 3 % pour les arrivées et de 5 % pour les nuitées, mais cela s’explique principalement par des travaux de rénovation qui ont considérablement réduit les capacités. Trois établissements ont été concernés : Lultzhausen – où s’est ajouté le phénomène des algues bleues dans les plans d’eau –, Echternach et le bâtiment de Luxembourg-ville. En août, la fréquentation était en revanche légèrement supérieure à l’année précédente. La centrale des auberges de jeunesse se montre donc satisfaite de ces résultats compte tenu des capacités disponibles.
D’où viennent nos hôtes internationaux ?
Krier : Excellentes nouvelles du côté des marchés principaux : l’Italie affiche cette année la plus forte croissance avec 39 %, suivie de la France avec 21 % de hausse et de la Belgique avec 10 % de progression. En valeurs absolues, les Pays-Bas conservent cependant la première place. Au total, les arrivées de l’étranger dans les établissements d’hébergement payants progressent de 4 % selon le STATEC.
Quelles sont les attractions les plus prisées ?
Krier : Le top 5 des sites les plus visités est inchangé depuis plusieurs années : le Parc Merveilleux de Bettembourg arrive en tête avec environ 232 600 visiteurs, suivi du château de Vianden avec environ 200 200, du Mullerthal Trail avec environ 198 500, des casemates avec environ 185 800 et du télésiège de Vianden avec près de 88 000 visiteurs de janvier à août. Ces données se basent sur les sites qui transmettent leurs statistiques à LFT. De manière générale, nous constatons que les visiteurs privilégient les activités de loisirs – nous y enregistrons une hausse de 11 % par rapport à 2024. La fréquentation des musées a augmenté de 3 % et celle des châteaux de 1 % par rapport à 2024, comme le révèle notre enquête LFT.
Y a-t-il aussi des défis à relever ?
Krier : Oui, une observation importante : 63 % des hôtels et 53 % des campings constatent que leurs clients dépensent de moins en moins sur place. C’est une tendance que nous devons surveiller de près. Les coûts d’exploitation élevés, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, mais aussi le contexte économique général ainsi que la lourdeur administrative constituent des défis majeurs pour les établissements d’hébergement. Fait intéressant également : les célébrations du changement de trône ont eu peu d’impact sur les réservations : seuls 9 % des hôtels et aucun camping n’ont constaté d’influence.
Votre bilan final pour 2025 ?
Krier : Nous observons une consolidation après les années fastes, et une croissance plus durable qui se rapproche davantage de la tendance à long terme des années pré-pandémiques (tout en conservant des volumes en chiffres absolus supérieurs aux valeurs de 2019).